Ce sera une des figures singulières du festival de La Roque d’Anthéron : né en 1992, le pianiste Sélim Mazari, formé auprès de Brigitte Engerer et Claire Désert, entame depuis quelques années une belle carrière de soliste. Rencontre.
Quels ont été vos premiers pas en musique ?
C’est une série de coïncidences qui m’a mené au piano. Je ne viens pas d’une famille de musiciens mais lorsque j’étais petit, ma mère a décidé de se remettre au piano. Cela a éveillé ma curiosité. Et notre voisine, Suzel Ginisty, qui avait été une élève de Brigitte Engerer, est devenue ma première professeure. Très tôt, j’ai eu envie d’être pianiste, sans savoir exactement ce que cela signifiait. J’ai franchi les étapes, je suis entré au Conservatoire de Paris, justement dans la classe de Brigitte Engerer. Elle m’a énormément appris, même si la beauté du son, qui chez elle était exceptionnelle, ne faisait pas ouvertement l’objet de son enseignement : elle la transmettait de manière implicite. C’était une femme débordante, dont il m’arrive de retrouver les annotations dans mes partitions, ce qui m’émeut toujours. Je l’admirais en tant que musicienne mais aussi en tant que femme qui s’est battue pour mener de front une double carrière : celle de soliste et de mère. D’ailleurs, je jouerai cet été lors d’une lecture musicale aux côtés de sa fille, Léonore Queffélec.
Quels rapports entretenez-vous avec le festival de la Roque d’Anthéron ?
Cette année, ce sera la sixième fois que je me produis à la Roque. Et c’est encore Brigitte qui est derrière tout ça. C’était une femme généreuse qui avait à cœur de mettre en avant ses élèves en leur proposant de jouer dans les premières parties de festivals, comme ce fut mon cas à la Baule. Elle m’a présenté à René Martin, qui m’a invité à Gordes, avant Nantes et la Roque. Sa fidélité aux artistes qu’il aime est remarquable et, cet été, je jouerai avec le formidable violoncelliste Aurélien Pascal, sur le parvis de l’église Notre-Dame de l’Assomption, ce qui promet d’être magique. Je suis heureux d’en revenir au piano-violoncelle, car au CNSM, j’ai énormément joué avec Edgar Morin. Cette fois, c’est un programme qu’Aurélien et moi avons conçu autour de Schubert, Rossini et Chopin. J’aime me renouveler et ne pas proposer que du piano solo. La sonate pour violoncelle et piano opus 65 est non seulement l’une des rares pièces que Chopin n’ait pas uniquement composée pour le piano mais c’est aussi la dernière œuvre publiée de son vivant.
À propos de renouvellement, quels sont vos projets pour un avenir proche ?
En ce moment, j’apprends à diriger depuis le piano, comme à l’époque classique. Ce sont des amis chefs tels que Paul Meyer ou Marie Jacquot qui m’y ont encouragé. A la rentrée dernière, j’ai fait mes débuts de chef avec le Tokyo City Philharmonic, dans les concertos 17 et 21 de Mozart. Et je continue de me perfectionner dans la classe de direction d’orchestre de l’université de Vienne. Je ne fais pas cela dans l’idée d’une carrière de chef mais parce que c’est une manière de me développer musicalement, d’affiner ma compréhension de la musique. Je me considère comme un étudiant éternel. Et Vienne est une ville merveilleuse pour un musicien. Depuis chez moi, je me rends en vingt minutes dans toutes les plus grandes salles de concert de la ville. Un de mes amis chefs dirige l’orchestre semi-professionnel de l’université, et j’en ai profité pour jouer pour la première fois le concerto 24 de Mozart et bientôt de me roder dans le très périlleux 2e concerto de Bartok. À l’horizon 2025, après mes débuts à la Philharmonie de Paris l’an dernier, je serai à l’Auditorium de Radio France. En attendant, je réfléchis à un prochain disque, sur une idée qui me trotte dans la tête depuis longtemps, mais qui doit encore rester un peu secrète…
Festival international de piano de la Roque d’Anthéron : Sélim Mazari, avec Aurélien Pascal au violoncelle, programme Schubert, Rossini, Chopin, le 8 août