Quel sera l’opéra de la rentrée ? Petit tour de pistes des multiples créations annoncées. D’Offenbach à Bartok, un premier tour de piste.
La difficulté d’un article dressant l’éventail des différentes productions lyriques françaises, c’est de trouver un lien entre elles. Il n’y a pas de réunion occultes des directeurs d’opéras, tels les conspirateurs des Cigares du pharaon (ou les maîtres de monde de quelque village helvétique). Juste des tendances qui se dessinent, et qui se retrouvent moins dans les œuvres que dans leurs interprètes. Disons que, depuis cinq ou six ans, le primat viril des chefs d’orchestre et des metteurs en scène a été sérieusement révisé, ce qui est une bonne chose. Il s’agit ensuite de juger les réalisations, car seul importe le talent. Et du talent, il y en aura, cet automne. Celui de la cheffe Sora Elisabeth Lee, qui dirige un spectacle filant la métaphore féminine sur la scène de l’opéra de Lorraine. Héroïnes réunit dans un même souffle Bartok (le château de Barbe-Bleue), Hindemith (la rare et provocante Sancta Susanna) et la toute aussi rare Danse de mort de Honegger (Nancy, 6-12 octobre).
Autres héroïnes, bien plus réelles celles-ci : les Carmélites de Poulenc et Bernanos, dont le théâtre des Champs Élysées reprend le magnifique Dialogue mis en scène par Olivier Py avec une distribution quatre étoiles : Petibon, Santoni, Gens, Koch… (TCE, 4-12 décembre).
Dernière héroïne, autrement potache et rigolarde : la pétulante Fille du Régiment de Donizetti, dans l’incomparable production de Laurent Pelly. Pensé pour Natalie Dessay, ce spectacle est tout aussi éruptif avec Julie Fuchs, qui s’en donne à cœur joie (Bastille, 17 oct- 20 nov).
Dans un même registre joyeux, on est bien curieux de découvrir le traitement que le bouillant Barrie Kosky va faire subir aux géniaux Brigands d’Offenbach, sur la scène du Palais Garnier. Dernier des grands opéras-bouffe avant l’effondrement de 1870, l’œuvre est une satire globale du pouvoir, de l’argent, et des turpitudes du Second Empire. Kosky a de quoi s’amuser (et nous amuser). (21 sept-12 oct, puis juin-juillet 2025).
En revanche, la fantaisie sera-t-elle au rendez-vous du chef d’œuvre crépusculaire d’Offenbach, Les Contes d’Hoffmann, dans la lecture de la batave Lotte de Beer, pasionaria revendiquée du wokisme ? Cette production méritera en tous les cas le voyage à Strasbourg (20 janvier-9 février 25). Le public alsacien aura déjà pu (re)découvrir un monument de l’art lyrique relu à la sauce contemporaine avec Ariodante de Händel, dans une mise en scène d’une autre néerlandaise qui dépote, Jetske Mijnssen (6 nov-1er dec).
Pour rester dans le baroque, on peut dire que la saison lyrique 24-25 sera des plus ramistes, et c’est heureux. Pas moins de trois productions de Jean-Philippe Rameau sont attendues, et non des moindres. L’opéra-comique célébrera les retrouvailles de William Christie et Robert Carsen, dans les très élégiaques Fêtes d’Hébé (13 !21 décembre) ; un mois plus tard, le palais Garnier convoque Peter Sellars pour nous proposer sa vision de la version originelle de Castor et Pollux (20 janvier-23 février 2025). Le plus intriguant sera évidemment ce Samson, opéra écrit par Voltaire et composé par Rameau ; œuvre qui ne vit jamais le jour mais dont le musicien réemploya la partition au gré de son inspiration. Les aixois auront déjà vu ce spectacle pensé par Raphaël Pichon et Claus Guth en juillet, les parisiens le découvriront à la salle Favart du 17 au 23 mars 2025.
Autre spectacle aixois : l’opéra ultra contemporain de George Benjamin et Martin Crimp, Picture a day like this, créé en juillet 2023, fera le miel des spectateurs strasbourgeois (15-20 septembre) puis de l’opéra-comique (25-3 octobre). On pourrait encore parler du Pelléas de Wajdi Mouawad ou du nouveau Ring de la Bastille, mais l’espace nous manque… L’essentiel est qu’il y ait beaucoup de pain sur la planche lyrique !