Quand la voix de Jean Moulin annonce celle de Beckett, c’est la rentrée théâtrale du théâtre 14 qui commençait ce weekend dans l’ouest parisien avec le Paris OfFestival.
C’était à une joyeuse fête du théâtre que nous a conviés Mathieu Touzé et son équipe du théâtre 14 ce weekend à la Porte de Vanves. Dans les cours de lycées ou les rues du quartier, de jeunes interprètes ont pu donner le la d’une saison qui s’annonce aussi audacieuse qu’exigeante. Ainsi, dimanche, nous avons pu redécouvrir sous le préau du lycée François Villon, la très belle pièce chorégraphique de l’Italien Marco Da Silva Ferreira, Fantasie Minor, dont on ne peut à chaque fois qu’admirer la finesse de son abstraction sur la musique de Schubert. Car s’il s’agit d’une pièce « mineure » comme l’annonce son titre qui annonce la Fantaisie en Fa mineur de Schubert, elle ne l’est qu’en apparence, tant le chorégraphe a composé une chorégraphie empruntant au hip-hop comme à l’histoire contemporaine, on pense à la géométrie de Merce Cunningham, pour ce duo énergique, drôle, parfois absurde, qu’ont incarné deux jeunes danseurs impeccables.
Une heure plus tard, nous pouvions découvrir dans l’ambiance très 14 juillet de la rue Paradol, la pièce pensée par Mathieu Touzé autour d’un héros français : Jean Moulin, d’une vie au destin. Cinq jeunes interprètes y retracent, avec humour et énergie, la vie du jeune sous-préfet, devenu, en quelques heures, le plus grand résistant français. Le public semblait ravi, et l’on ne pouvait que saluer la volonté pédagogique de ce moment d’ouverture.
Le retour de Beckett
Le Théâtre 14 donnait ainsi le la d’une saison qui s’annonce riche et diverse. Ainsi, dans quelques semaines, Denis Lavant se présentera sur la scène du théâtre, ou plutôt dans l’obscurité de la salle, pour faire entendre le retour de Samuel Beckett, dans son poignant Cap au Pire. Ce spectacle signé Jacques Osinski s’avérait un des premiers qui permit à Denis Lavant d’entrer dans le monde beckettien, jusqu’à ce Fin de Partie magistrale et plébiscité par le public depuis deux ans. Cap au pire, texte non écrit pour le théâtre, s’avère l’un des plus difficiles à dire, et à jouer : Lavant, immobile, s’y adresse à nous comme dans un confessionnal, pour psalmodier le difficile chemin de l’auteur vers la création, et la possibilité de vivre. C’est dans cette nouvelle écrite en 1983, quelques années avant qu’il ne meure, que Beckett écrit : « essayer encore, rater encore, rater mieux ». C’est une expérience saisissante que d’entendre ce Cap au pire, dans la familiarité que Lavant entretient avec Beckett. Quelques semaines plus tard, le théâtre 14 programme Exit, pièce légère et drolatique sur l’euthanasie….On ne demande pas mieux. Ce fut un succès du Off à Avignon, et sur scène, on retrouvera sur scène le charme frappant de Suzanne de Baecque, entre autres. Nous y serons.
Cap au pire
Samuel Beckett, Jacques Osinski, Denis Lavant, du 24 septembre au 19 octobre, Théâtre 14. Plus d’infos sur https://www.theatre14.fr