Enfin à Paris, la danse d’adieu éternelle saluant Leonard Cohen, par les Ballets Jazz de Montréal : Dance Me

to the End of Love ? Ou jusqu’à la fin de la vie ? Quand Leonard Cohen décède le 7 novembre 2016, il l’a échappé belle, en quelque sorte. Le lendemain, Donald Trump est élu président des Etats-Unis. Is this what you wanted, avait-il chanté en 1974 à Paris, à l’Olympia. En 2016, sentant sa fin proche, il ajoute : « I’m ready My Lord », en conclusion de sa chanson You want it darker de l’album éponyme, le dernier de son vivant. Le titre semble alors confirmer la réputation sombre du chansonnier, taraudé par une dépression chronique. Le quotidien Boston Globe avait dit du Canadien qui fut écrivain et poète avant de se mettre à composer et à chanter : « James Joyce n’est pas mort, il vit à Montréal sous le nom de Cohen. » Mais Cohen vivait autant, sinon plus, à Los Angeles. Qualifiant parfois ses poèmes de « prières », le fils d’un couple juif orthodoxe chantait la guerre et la paix, la foi et l’amour, les liens et la solitude. Et a touché de près au bouddhisme, ce qui soulageait parfois ses états dépressifs. Certaines de ses chansons respirent pourtant la joie de vivre, notamment quand une idée de danse y fait irruption : « Danse-moi vers ta beauté avec un violon en feu », suggère-t-il à sa flamme imaginaire, dans Dance Me to the End of Love, l’un de ses tubes immortels. En 2019 paraît un album posthume, avec les paroles de Cohen et des musiques composées par son fils Adam. Il porte le titre Thanks for the Dance : « Merci pour la danse / et pour le bébé que tu portais. » Et comme pour tirer un bilan de sa vie « C’était infernal, c’était chouette, c’était fun. »

On doit à Louis Robitaille, directeur des Ballets Jazz de Montréal entre 1998 et 2021, l’idée d’un spectacle chorégraphique sur les chansons de Cohen, icône revendiquée de la culture canadienne. Si peu de pièces chorégraphiques abordent la monographie chantée, l’idée n’a rien d’incongru. D’une part, on ne manque pas d’illustres prédécesseurs, de Maurice Béjart (Brel et Barbara, 2001) à Jean-Claude Gallotta se consacrant à Serge Gainsbourg (L’Homme à la tête de chou, 2009). D’autre part, la danse est bien placée pour éclairer l’univers de Cohen sous un jour sensuel, chaleureux, doux et fluide. Mais quand les répétitions commencèrent, le combattant, partisan et soldat Cohen (selon son autodéfinition) avait déjà perdu sa dernière bataille. Il lui resta de participer au choix des titres qu’il ne voulait pas limiter à ses Hallelujah !et autres tubes populaires. Aussi la playlist traverse toute sa carrière, y inclut son dernier album, sur une dramaturgie évoquant les grands cycles de l’existence. Quatorze danseurs pour seize titres, composés entre 1967 et 2016. Seulement, qui allait signer ces tours de piste, au rythme des chansons ? Ils allaient être trois, ni jeunes, ni âgés, trois électrons libres qui ne cessent de faire le tour du monde en tant que chorégraphes, invités par les compagnies de ballet d’Europe, d’Amérique et d’Asie : Andonis Foniadakis, Annabelle Lopez Ochoa et Ihsan Rustem. Et comme les chansons de Cohen ont été reprises par tant de grandes et grands du rock et de la pop, on chante aussi en live dans Dance Me

Dance Me – Musique de Leonard Cohen

Par les Ballets Jazz de Montréal

Chorégraphies : Andonis Foniadakis, Annabelle Lopez Ochoa, Ihsan Rustem

Théâtre du Châtelet

Du 27 septembre au 5 octobre