Bien que l’interdiction de la participation de la maison d’édition Gallimard au 27ᵉ Salon international du livre d’Alger (SILA) ne soit pas justifiée, les médias algériens estiment qu’elle ne laisse aucun doute sur son caractère non pas culturel, mais politique. Cette décision révèle une position ferme contre la présence française en Algérie, y compris dans le domaine culturel.

Le Salon du livre qui se déroule du 6 au 16 novembre 2024, a envoyé un courrier à Antoine Gallimard, qui « n’apporte aucune explication quant aux raisons ou motifs qui justifient cette décision », a-t-il déclaré au site du monde de l’édition Actualitté. Certains ont fait le lien entre le refus de la présence de Gallimard et la publication récente du nouveau roman de Kamel Daoud, Houris, paru chez Gallimard, qui aborde le sujet des décennies noires. Pourtant, la maison d’édition a déjà publié Le Village de l’Allemand de l’écrivain algérien Boualem Sansal, traitant le même sujet, sans être refusée en Algérie. 

    L’absence d’explication de l’interdiction révèle une censure massive dominant la culture algérienne aujourd’hui. Mais si l’annulation du stand de Gallimard venait du roman de Daoud, elle doit être liée à la loi de 2006 dans la constitution algérienne, dont l’article 46 prévoit une peine d’emprisonnement de 3 à 5 ans, prévoit des sanctions contre « quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international (…). En cas de récidive, la peine prévue au présent article est portée au double. »

     Sur les réseaux sociaux algériens, certains se félicitent de ce refus en faisant le lien entre la censure de la grande maison d’édition française et la politique du pays : « Partout où va la France, la destruction suit. » « La France a interdit l’entrée d’El Mordjene sur son territoire, l’Algérie a également le droit d’empêcher d’entrer les produits français. » En référençant l’affaire à l’interdiction de l’importation de la noisette algérienne en septembre dernier. Ces commentaires sont cohérents avec une politique opposante à tous ce qui est français depuis la « ré élection » de Taponne. Lors de sa première déclaration sur la chaine de la république algérienne en arabe, ce dernier a confirmé « Je n’irai pas à Canossa » en utilisant la phrase du chancelier allemand Bismarck à la fin du XIXe siècle, qui signifie aller supplier un pardon. Il a également traité le sujet de la colonisation accusant la France d’avoir commis un grand remplacement en Algérie, avec « l’armée génocidaire de Charles X. » Cette politique se traduit depuis ce discours par la volonté d’éviter tout ce qui est français. Selon une source du Figaro, « C’est bien la première fois que le Sila prend une telle orientation politique, se transformant en stand de tir contre les éditeurs et les professionnels du livre au prétexte d’une relation bilatérale compliquée. »

    Par solidarité avec Gallimard, le groupe Madrigall a décidé de ne pas participer au SILA cette année. Pendant ce temps, le Syndicat national de l’édition a exprimé son soutien en « regrettant vivement cette exclusion ». Des Algériens se sont également opposés à cette décision. Pour Temple du livre, une chaîne culturelle algérienne diffusant en arabe, « censurer Gallimard et Flammarion est catastrophique, le Salon du livre va être vide. Le plus dramatique, c’est qu’aucun influenceur algérien ne s’oppose à cette affaire. »

La nouvelle décision du SILA alimente une tension déjà existante entre la France et l’Algérie. En bloquant le débat et en interdisant des livres, le ministre algérien de la Culture rejoint la politique de Tebboune au lieu d’utiliser la littérature pour réduire le fossé entre les deux pays liés par une longue histoire pleine de création, mais aussi de complexité.