La galerie Perrotin expose en majesté le bestiaire fantastique du sculpteur Jean-Marie Appriou, l’un des artistes les plus originaux de notre époque.
Une pieuvre géante aux tendres tentacules, un monde arachnéen suscitant l’effroi dans la lignée de Louise Bourgeois, mais aussi des sculptures hiératiques où le remix de « pas égyptiens », autrefois étudiés par Giacometti et Rodin, irradient de concert la galerie Perrotin…Les œuvres de Jean-Marie Appriou sont prolixes et véritablement hybrides tant elles abordent la contemporanéité par un rapport au passé où la mythologie a tout le loisir de s’épanouir. Des âges archaïques aux civilisations futuristes, l’œil s’embarque alors dans un voyage onirique pétri tout à la fois de culture pop, de science-fiction et d’Antiquité.
Dès l’entrée, le regard est saisi par un grand bas-relief en aluminium patiné où une barque égyptienne paraît aller à la rencontre d’un horizon lointain. Fidèle à l’esprit de son titre, Event Horizon (Primordial Vessel), cette œuvre évoque la vie larvée des origines, où tout n’était qu’eau et énergie solaire…. Les coquillages y déploient leurs fractales infinies, semblables aux nébuleuses comètes qui se déplacent à travers les galaxies…Plus loin, on découvre sur les murs des êtres fascinants, des exonautes soit ces explorateurs de l’espace aux crânes ceints d’une boule de cristal et aux corps emmaillotés, lesquels font songer à des chrysalides ou bien à des formes pétrifiées, celles de momies en l’occurrence. Au gré de leurs reliefs méticuleusement travaillés, ces sculptures paraissent être mues par des énergies non pas contradictoires mais bel et bien scellées dans leur polarité : le cosmos rencontre l’infiniment petit tandis que le fossile en appelle à l’éclosion de la vie.
L’ambiguïté des règnes et la transition entre les éléments – de l’aquatique à l’aérien, mais aussi du terrestre au céleste tout comme au souterrain – innerve cet imaginaire foisonnant peuplé d’un bestiaire fantastique où grouillent des formes primordiales : sphères brûlantes d’une super nova, structures pyramidales où fourmillent les énergies de l’au-delà…. Ces dernières s’épanchent en subtiles efflorescences biologiques ou bien en créatures amphibies, au sein desquelles se déploie une fascinante phénoménologie. Jean-Marie Appriou les appréhende comme un cadre propice à la rêverie matricielle car c’est au sein de cet Exonaut Horizon que l’artiste place le berceau cosmique, creuset des énigmes passées et futures où rien ne s’éternise.
Né en 1986, l’artiste n’a eu de cesse de développer une réflexion autour de la sculpture dont il s’approprie les savoir-faire traditionnels pour mieux les détourner et en étendre les potentialités. Aluminium, bronze, marbre, verre, lave et onyx se retrouvent alors mêlés pour le plus grand plaisir de l’œil. À travers son processus de création, Appriou commence par utiliser de l’argile, où chaque pièce est méticuleusement modelée à l’échelle, laissant ses empreintes comme une marque durable de son approche pratique en proie à d’incessantes reconfigurations. Ici réside alors une puissante alchimie, seule capable d’appréhender les mystères, tout comme les secrets infinis…
Jean-Marie Appriou Exonaut Horizon
Jusqu’au 16 novembre.