Charles Peguy, dans Le Porche du mystère de la deuxième vertu, écrit que la plus grande des vertus est l’espérance, tant tout ou presque, nous pousse au désespoir. Philippe Garrel n’est pa péguiste, c’est le moins qu’on puisse dire.
Dans son dernier film, La Frontière de l’aube, il nous raconte une énième fois l’effondrement de l’amour, autrement dit l’effondrement de la dernière valeur à laquelle nous croyons. L’utopie politique, Garrel en a fait son deuil dans Les Amants réguliers, son film précédent. Là, c’est l’utopie amoureuse qui tombe en lambeaux. L’amour garrellien, dans sa définition cinématographique, c’est deux corps allongés sur un lit, deux visages accablés qui se regardent, qui pleurent, un homme et une femme se ramolissant, qui ne parlent pas, ou un peu. L’amour abat chez Garrel, il n’a même pas la force de l’engueulade. L’amour est de l’héroïne, il rend vide et mène au suicide, d’abord celui de Laura Smet, puis celui de Louis Garrel. Pas un suicide romantique à la Werther, dû à un amour impossible, mais un suicide dû à la vacuité de l’amour. Peut-on vivre dans le nihilisme? Non, répond Garrel. ça n’est pas tenable.
Il y a dans son cinéma la fin d’un système de valeurs. Un cinéma, donc, en plein dans la modernité. Avec cette tentation toute contemporaine, face à la difficulté de sens, d’abdiquer.