Avant d’aller à la grande fête de Cannes, petit détour par les élections : effroi incroyable ressenti à l’issue du premier tour. Sollers : « Elle était là, elle est toujours là; on la sent, peu à peu, remonter en surface : la France moisie est de retour. Elle vient de loin, elle n’a rien compris ni rien appris, son obstination résiste à toutes les leçons de l’Histoire, elle est assise une fois pour toutes dans ses préjugés viscéraux. »Grande victoire du Rétrograde donc, titre de notre dossier du mois dernier qui visait la littérature française et qui visait finalement la France tout court. Extrême droite + Extrême gauche : plus de 30%, les réacs sont de retours. C’est un euphémisme que de dire que la littérature française est au diapason de l’état d’esprit français : trop fermée, trop passéiste, trop petits pieds. J’en profite pour citer un livre qui me mit sur la piste du Rétrograde, de l’excellent Simon Reynolds (Rétromania, aux non moins excellentes éditions Le mot et le reste), qui assure que la musique et le cinéma sont dans une mauvaise passe, recyclage et recyclage et pas grand-chose de plus. Il oublia la littérature française, ou plutôt, n’y pensa même pas… Et remerciements à Manuel Carcassonne, qui nous mit sur la voie de ce dossier.
Le cinéma rétrograde ? Non, voyez Cannes. L’excitation : Hong Sang-soo, Cronenberg, Kiarostami, Noé, Wakamatsu, CARAX. Si Carax a quelque chose, ce serait comme si Artaud recevait une récompense. Ce serait une Palme pour la poésie. Alors, une chance pour la poésie ? Non est la réponse qui vient, mais Weerasethakul l’a eue, donc espoir. Si Jacques Audiard gagne quelque chose : pardon, pourquoi ne pas dire alors que Georges Lautner est le plus grand réalisateur français de tous les temps ? Il y a du moisi dans ce cinéma-là.
Sollers, encore : « L’intelligence, en France, est d’autant plus forte qu’elle est exceptionnelle. » Il y en aura à Cannes.