Pour la première fois avant la nouvelle formule que nous préparons pour le mois de septembre, nous avons décidé d’un dossier thématique, comme vous l’aurez compris, sur le plaisir. Le plaisir parce que c’est bien dans ces mois d’été que cette question se pose avec le plus de frontalité, et aussi parce que l’on fête les 50 ans de la mort d’un des grands écrivains du plaisir, Georges Bataille. La démarche de notre dossier est unique : il ne s’agit pas de faire un énième point avec sociologues, psychologues et philosophes, qui occupent déjà bien les journaux et magazines à longueur d’année. Non, il s’agit ici de donner la parole aux écrivains, ces voyants de notre époque à qui l’on demande si peu l’avis. Ces relégués aux catacombes ont pourtant des choses à nous dire et, comme vous le lirez, ils dérangent, ils désordonnent, ils sont libres. Libres comme des anarchistes, c’est-à-dire comme des « anges de pureté » (Mallarmé). On y a ajouté quelques acteurs, actrices, réalisateurs, trop peu à notre goût, mais tout ce petit monde fut au Festival de Cannes, donc pas disponible.
Il nous a semblé essentiel, quoique arbitraire, de le lier au passage de Sarkozy à Hollande, d’une ère à l’autre. Il fallut être sourd pour ne pas entendre les plaintes s’élever de notre vieux pays. Notre déplaisir ces cinq dernières années fut incontestable : cette crise nous a foutus dedans, ces histoires d’identité nationale ont foutu un malaise (Vichy, France moisie) et la nervosité de notre ancien Président semble nous avoir mis sur les nerfs. L’ère Hollande tiendra-t-elle ses promesses ? L’injonction de jouir est d’une actualité brûlante. On a tous envie de reprendre un peu de plaisir. À moins que comme le disait Lacan, « ce à quoi l’homme aspire, c’est à l’enfer ». La crise serait alors plus profonde, c’est ce que nous avons creusé dans ces pages.