Premier long métrage d’Antonin Peretjatko sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs cette année, La Fille du 14 Juillet, road movie de vacances, se révèle sur fond d’actualité un beau conte d’été.
Des militaires marchent à petits pas rapides autour de la place de l’Etoile. Puis c’est Nicolas Sarkozy qui trottine. On entend claquer ses talonnettes. Il s’installe à la tribuneprésidentielle et assiste aux cérémonies du14 juillet 2011. Un an plus tard, la séquence suivante, c’est au tour de François Hollande de souscrire au rituel. Les pas et le protocole sont les mêmes, ainsi que les cadrages d’Antonin Peretjatko. Cette ouverture donne le ton : La Fille du 14 Juillet est un film frondeur, révélant par le montage la mécanique des corps, vidés de toute psychologie. De simples automates, mus par des désirs qui ne leur appartiennent pas. Les histoires d’amour se déroulent sur fond de crise, tandis que se succèdent les gouvernements dans une ronde en circuit fermé, ridicule d’importance artificielle et anachronique. L’histoire d’amour, ici, est celle d’Hector et Truquette (les noms aussi déclinent le schématisme). Hector est un surveillant de salle déserte au musée du Louvre, Truquette une visiteuse sensible aux charmes d’Hector. Avec quelques personnages secondaires (notamment Vincent Macaigne aka Pator le médecin foireux), ils prennent la route à bord d’une vieille voiture cabossée. Direction la mer.
S’ensuit un road movie estival comme le cinéma français les aime tant (de Rozier à Godard), qui mettra les amours naissantes d’Hector et Truquette à l’épreuve du hasard et des rencontres. Antonin Peretjatko fait partie des cinéastes contemporains maniant avec le plus de tact les clichés en tout genre. Les enchaînements de plans se font brutalement, et le cinéaste raffole des ruptures de rythme. Tandis que se joue la comédie des personnages aussi légers que des pantins, le drame surgit, par le biais d’un monologue en regard caméra profondément triste ou d’une séquence de diapositives prétexte à la nostalgie : incursions tristes comme des jouets cassés. Ces effets presque dissonants semblent sortis de nulle part, tout comme le cinéaste, qui revendique une esthétique de la précarité. Son cinéma est teinté d’un je-m’en-foutisme de façade, qui dissimule une minutie de chaque instant. Il n’y a aucune improvisation dans le cinéma d’Antonin Peretjatko. Tout se décide avant le tournage. La vivacité du film doit beaucoup au travail de montage et de mixage, accélérant certaines voix, ajoutant des bruitages pour habiller le comique visuel. A cet amour du bricolage s’ajoute celui des objets, omniprésents, comme autant de personnages burlesques et voués à la péremption. Tranchant si nettement avec la qualité froide des grandes démonstrations de force du cinéma contemporain et numérique, l’impression qui domine avec La Fille du 14 Juillet est celle d’un film fait à la main, donnant à ses personnages ce qui les rend si beaux : leur fragilité.