Comme l’a écrit Frédéric Bonnaud récemment dans un de ses éditos des Inrocks, les élections départementales enfin passées, nous allons pouvoir reprendre un rythme de croisière moins stressant. Entendons par là : passer, pour un temps, à autre chose que de parler du Front national et de sa montée en puissance dans notre pays. En tout cas jusqu’aux régionales, en décembre prochain. Entendons par là, en ce qui concerne Transfuge, reprendre nos bonnes vieilles habitudes de lecture, de lecture sereine, afin de vous proposer le meilleur chaque mois de ce qui se produit chez nos amis éditeurs.
Enfin, reprendre nos vieilles habitudes, pas tout à fait. Nous ouvrirons chaque mois des pages à des essais ou des reportages politiques (sous forme littéraire, à la Norman Mailer par exemple). Difficile en effet de rester indifférent aux heures sombres que nous vivons, de l’islamisme radical au Front national. Le sentiment d’asphyxie dans notre pays est fort. Il ne s’agira pas dans ces pages de déplorer l’état de notre chère patrie au nom d’un âge d’or prétendument perdu, comme le font si bien certains réactionnaires que nous ne nommerons pas. Mais plutôt de donner la parole à des intellectuels, comme le sociologue proche du PS et néanmoins critique de la gauche Michel Wieviorka dans ce numéro pour la sortie de son très stimulant ouvrage, Retour au sens, pour en finir avec le déclinisme, dans lequel il tente de réenchanter l’universalisme.
Retour à la littérature et à notre dossier central, consacré ce mois-ci à une collection exceptionnelle, L’Ouest, le vrai, chez Actes Sud. Fondée en novembre 2013 et dirigée par l’incollable Bertrand Tavernier, la collection compte déjà huit romans. Des romans aux couvertures somptueuses cadrées de bleu. Le genre du roman western n’a jamais percé en France. Et à lire ces romans, c’est un scandale du monde des lettres. Ces textes sont tous plus forts les uns que les autres. Prenez Ernest Haycox (1899-1950), auteur génial du livre Des clairons l’après-midi édité pour la première fois en 2013 dans cette collection alors que le livre a paru aux États-Unis en 1944. C’est ce même Haycox qui écrivit la nouvelle « Stage to Lordsburg », qui donna La Chevauchée fantastique de John Ford. Hemingway aurait dit : « J’ai lu le journal chaque fois qu’il publiait un feuilleton de Haycox. » Excusez du peu. Prenez A. B. Guthrie, Jr. (1901-1991). Vous ne connaissez pas ? Au moins deux chefs-d’oeuvre traduits à son actif : La Captive aux yeux clairs, aussi puissant que l’adaptation de Hawks, et sa suite, La Route de l’Ouest, prix Pulitzer en 1950, adapté par Andrew V. McLaglen, avec Kirk Douglas, Robert Mitchum et Richard Widmark.
La France est passée à côté d’une mine d’or littéraire que sont ces romans western. La collection L’Ouest, le vrai répare ce tort en beauté. Faites une place dans votre bibliothèque, il ne faut rater aucun volume. Vos enfants vous remercieront.