Beaucoup à lire dans Transfuge ce mois-ci, numéro d’été comme on dit dans le jargon journalistique. Déjà un très beau roman, celui du Pulitzer, autrement plus intelligent que le dernier du nom, celui de Donna Tartt, dont nous avions dit le plus grand mal dans ces colonnes l’année dernière. Il s’appelle Anthony Doerr, son roman Toute la lumière que nous ne pouvons voir.
Cet admirateur de Sebald et de Calvino s’est plongé dans l’enfer de la Seconde Guerre mondiale, à travers la trajectoire de deux adolescents, un Allemand, une Française. Parfait roman à lire cet été, page-turner à l’américaine, à Venise en sirotant un spritz – certes avec dans l’autre poche le Venises de Morand ou Les Pierres de Venise de John Ruskin, ou pour les chanceux que sont les critiques littéraires le dernier roman de Liberati, Eva, somptueuse histoire d’amour.
Ensuite, une interview passionnante de Farouk Mardam-Bey, directeur de la prestigieuse collection Sindbad chez Actes Sud. Il évoque avec précision toutes les tendances de fond de la littérature arabe d’aujourd’hui, de la Syrie au Liban en passant par l’Arabie saoudite. C’est une littérature en pleine effervescence, c’est le moins qu’on puisse dire, mais la presse B française s’y penche assez peu. L’Occident a les yeux rivés sur le Moyen-Orient et le Maghreb depuis l’offensive de l’État islamique. C’est pourquoi Transfuge s’y intéressera de plus près. La littérature est aussi là pour éclairer l’état du monde, ne peut vivre repliée sur elle-même (même si elle a le droit : elle a tous les droits). À ce titre, je suis en train de finir le nouveau livre de Mathias Énard, Boussole, à paraître à la rentrée, magnifique roman autour de l’orientalisme et, entre autres choses, racontant de manière érudite toutes les convergences entre l’Orient et l’Occident au cours de l’histoire. De quoi déplaire aux obsédés du terroir comme Richard Millet qui vient de prendre la tête d’une revue, La Revue littéraire, non pardon, Vomi littéraire.
Enfin, comme promis, un premier reportage littéraire, dans ce numéro. Reportage dans une forme libre, dans la tradition de Mailer, à propos du 1er mai et du défilé FN. Oriane Jeancourt Galignani a laissé traîner ses oreilles du côté des militants. La violence des propos entendus laisse sans voix, à mille lieues de l’image édulcorée renvoyée par BFM ou I-Télé, formidables anesthésiants du réel.
Toute l’équipe de Transfuge vous souhaite un joyeux été. Et on se retrouve pour la rentrée littéraire de septembre