Nous pouvons d’ores et déjà nous réjouir d’avoir élu un président de la République pour qui la culture signifie quelque chose. Cet héritier de la pensée de Paul Ricoeur, proche de la revue chrétienne de gauche Esprit et d’Olivier Mongin un de ses anciens directeurs, a effectivement dit lors de son passage à la BPI (bibliothèque publique d’informations) : la culture, « c’est la chose la plus importante de ma vie. » Quand il ne lit pas, cela lui manque. Il aurait, selon Brigitte Macron, rêvé d’être écrivain avant d’être attiré par l’action politique. Pour l’anecdote, j’avais rencontré un président de jury de l’ENA qui avait corrigé sa copie la première fois qu’il se présentait au concours. Il avait obtenu la meilleur note à l’épreuve de culture générale, 18, note rarissime sinon unique dans l’histoire de ce concours. En revanche notre futur ministre de l’Economie eut 3 en économie, note éliminatoire !
Son attachement à la culture s’est confirmé par la nomination conjointement avec le premier Ministre Edouard Philippe d’une grande dame de la littérature au ministère de la Culture, Françoise Nyssen. On ne pouvait attendre mieux de sa part, tant cette dernière est un exemple dans le milieu de l’édition. On l’a souvent dit à Transfuge, les éditions Actes Sud qu’elle dirige, est une des maisons d’édition les plus audacieuses aujourd’hui, et bénéficiant d’un catalogue de littérature étrangère exceptionnel. Une maison d’édition résolument tournée vers l’Europe et le monde : on comprend parfaitement le choix du président. Lui qui, rappelons-le, a défini a contrario de la pensée réactionnaire, la culture comme une volonté de « dépasser une identité étriquée. » Macron ajoute que la culture française est un fleuve généreux avec des affluents de toutes parts, n’en déplaise à Marine Le Pen et Alain Finkielkraut.
Il est faible de dire que nous partageons à Transfuge cette idée ouverte de la culture, tant l’intérêt pour les cultures du monde entier a toujours été une de nos priorités.
La ministre de la Culture aura un grand chantier à ouvrir et qui j’espère aboutira, c’est le chantier culturel européen. Avec ces idées de lancer un Erasmus pour favoriser la circulation des artistes, et de Netflix européen pour le cinéma et les séries européennes qui paraissent, sur le papier, de très beaux projets. On y reviendra ultérieurement.
Macron est un homme de centre gauche, libéral égalitaire, pour qui l’accès à la culture pour tous est une priorité. Il l’a répété maintes fois, sa politique culturelle est un projet d’émancipation. Son idée d’ouvrir les bibliothèques le soir et le dimanche est une mesure qui va dans ce sens, quand on sait qu’un enfant sur deux n’a pas accès aux livres en France. Précisons que dans notre pays les bibliothèques sont ouvertes 41 heures par semaine contre 98 heures à Copenhague. On ne peut que se réjouir d’une mesure de ce genre-là.
Enfin, on peut se réjouir de l’intérêt que semble porter notre premier ministre Edouard Philippe au livre. Outre que ce fils de professeurs de français a co-écrit deux fictions, L’heure de vérité (Flammarion) et Dans l’ombre (Jean Claude Lattès), il semble selon des avis convergents, qu’il ait mené une active politique sociale du livre en tant que maire du Havre. Preuve en est avec ce grand prix Livre Hebdo remis en 2012 à la bibliothèque municipale du Havre.
On ne peut que se réjouir du retour de la culture au plus haut sommet de l’Etat d’autant plus que nous n’avons pas été gâtés ces derniers temps de ce côté-là. François Hollande était un homme d’une inculture crasse. On se souvient de ce photographe qui avait pris une photo du président en train de lire sur une plage L’histoire pour les nuls. On se souvient qu’au Salon du livre, prenant dans ses mains le livre de Guillaume Musso il déclarait qu’il n’avait aucune condescendance avec les livres qui se vendaient bien. Au contraire, « un livre ca doit se vendre » avait-il affirmé goguenard. Sans parler du pathétique quoique volontaire Nicolas Sarkozy qui pour faire plaisir à Carla, rattrapait son retard sous son quinquennat (au lieu de travailler ?) en lisant des classiques, Le Rouge et le Noir et surtout l’intégral de La Recherche (des témoins attestent) dans la collection du Figaro présentée par Jean d’Ormesson !
Avec Emmanuel Macron nous renouons avec une tradition française selon laquelle la culture est essentielle à la vie. Une manière de renouer avec des hommes d’état comme Georges Pompidou, normalien, agrégé de lettres classiques, grand lecteur de Racine et de Baudelaire, passionné d’art contemporain (d’où le centre George Pompidou) et de spectacles vivants contemporains (d’où la création du Festival d’automne) ou d’un François Mitterand, peu fiable en littérature contemporaine (il estimait que Jean-Edern Hallier était le plus grand écrivain de sa génération !!)mais bibliophile pouvant faire chercher des semaines entières un exemplaire de la revue mythique La Tour de feu pour retrouver le texte d’un poète oublié…
Macron, Philippe, et Nyssen : Pour la culture, nous pouvons être optimistes. A eux de ne pas nous décevoir.