« Ce qu’il y a de plus profond chez l’homme, c’est la peau »
Cette citation de Paul Valéry pourrait faire synthèse du programme de Charles Dantzig, qu’on ne présente plus à Transfuge, qui fait notre couv pour une troisième fois. Et pour un ouvrage tout à fait particulier et à ma connaissance inédit, Traité des gestes (Grasset). Il n’y est question que de littérature puisque son travail sur la forme, sur la phrase et sur la construction, est toujours primordial. La forme danse, la phrase se déploie vite, le geste général est leste. Ce nietzschéen ne pouvait trouver que du plaisir à traiter du geste, exemplairement « superficiel par profondeur ». Au secours, on se noie, dans les profondeurs, nous dit Dantzig dans son bel entretien. Il me semble pouvoir dire qu’il est à contre-courant, avec quelques autres, de ce qui plaît aujourd’hui, le roman long, dense, dont on ressort plus instruit à peu de frais, à la forme polie et harmonieuse comme si le monde était poli et harmonieux, animé par l’esprit de sérieux. Je pense à la jeune Alice Zeniter et son roman L’Art de perdre (Flammarion) dont on parle tant à cette rentrée et qui m’a plongé dans un sommeil dont je ne me suis pas encore réveillé. Dantzig a lui l’esprit libre et joueur, gai comme un pinson. La disharmonie est son principe esthétique, le traité étant une série de gestes, listée, fragmentée par définition, out of joint. Ne pensez pas cependant qu’il ne s’agit que d’un exercice de forme : se dessine et pour la première fois avec autant de précisions, un autoportrait en biais, au détour de gestes. L’écrivain de papier se mue peu à peu en écrivain de chair. Et c’est une bonne nouvelle.
Vous verrez après lecture de ce livre, vous serez contaminé et vous analyserez les gestes de vos proches ou de passants. C’est très amusant et souvent signifiant. Il y a des ouvrages comme celui-ci qui rendent sans en avoir l’air plus intelligents : ils aiguisent nos regards.