Marie Dumora tranche le vieux débat du cinéma et de la vie en refusant de choisir. Belinda est le dernier volet en date de la série de films documentaires qui, depuis Avec ou sans toi (2001) tisse la chronique d’une famille yéniche d’Alsace. Matériau dense, intriqué, mais Marie Dumora ne cède jamais à la tentation de la schématisation ou de l’élagage. Les origines et le milieu « marginaux » de cette famille ne la poussent pas non plus à la stéréotypie. Marie Dumora, qui invoque autant le Wanda de Barbara Loden que le Richard Linklater de Boyhood, s’inscrit en effet dans ces coordonnées-là : celle d’un cinéma qui n’abdique pas la vie au nom de la précision documentaire. La « vie », vaste programme…
Et parfaitement rempli, ne serait-ce que parce qu’en découpant littéralement son film en trois « âges » : Belinda gamine, puis ado, puis jeune femme. Marie Dumora donne à son film cette durée au long cours qui est le contraire du temps stylisé, artificiellement contracté, qui est celui du scénario ou de l’intrigue. Ce qui ne signifie pas l’absence de péripéties, au contraire. Le film est bien vivant de ce point de vue-là : Belinda séparée de sa soeur Sabrina, Belinda se préparant au mariage avec son copain…pour finir en prison. Mais, surtout, Belinda et les autres parlent. Se racontent leur propre vie. Deviennent les narrateurs de leur propre destin. Et sont, en un mot, libres. « Voulez-vous que vos personnages vivent ? Faites qu’ils soient libres », disait Sartre. Eh bien Belinda est souverainement vivante.