Petites lunettes cerclées aux épaisses montures, coupe au bol, lèvre supérieure obombrée d’une moustache minimaliste, silhouette gracile dandyfiée dans d’impeccables chemises, Foujita, le plus japonais des noceurs de la bohème de Montparnasse, a su imposer une figure, comme un logo ou une marque de fabrique. Mais la belle expo que consacre actuellement le musée Maillol à la première période parisienne du peintre, de son arrivée sur les berges de la Seine en 1913 à son départ en 1931, dissipe cette aura pittoresque. Epure, si on veut, l’image du mondain impénitent, abonné aux cafés, fébrile de la fièvre hédoniste qui faisait bouillonner les Années folles.
Epurer, décanter, quintessencier – c’est d’ailleurs toute la démarche de Foujita au fil de ces années où le jeune Japonais fou de peinture hante Paris.
Paris et ses musées : l’expo rappelle combien Foujita est un peintre de la citation. Non qu’il pastiche servilement : il assimile, porte à un point de fusion qui n’appartient qu’à lui des influences aussi diverses que les primitifs italiens ou la peinture coréenne. Opération alchimique de distillation, comme s’il s’agissait d’épurer toute la, toutes les, traditions picturales. Pour parvenir à cet idéal d’un art désencombré, simple comme « la lumière du jour est une et simple », comme aurait dit Plutarque. Quitte à aller au rebours des avant-gardes qui l’entourent en privilégiant la transparence à la matière. En faisant montre d’une ferveur figurative, alors que l’air du temps est à l’abstraction. Comme s’il s’agissait pour Foujita de renouer avec le moment premier, fondateur, de l’art de peintre : la fascination pour la figure humaine. Et il y a aussi ses fameux fonds blancs, à la facture méticuleuse, complexe. Tout un protocole chromatique, toute une réflexion sur la couleur, les pigments, pour arriver à l’immaculation. Tel ce merveilleux Nu allongé de 1922 à la peau translucide, nitescente et doucement vaporeuse. Qui pourrait résumer tout l’art de Foujita, tout à la fois incarné et éthéré.
Foujita, peindre dans les Années folles, musée Maillol, jusqu’au 15 juillet