Côté cinéma, comme chaque année, fait unique dans la presse française, une grande partie de l’équipe cinéma organise dans ces pages une table ronde spécial Cannes. Ce qui vous permet, chères lectrices et chers lecteurs attentifs, au-delà des choix forcément arbitraires des couvertures cinéma et mises en avant mensuelles de tel ou tel film, d’y voir d’un peu plus près les goûts des critiques de Transfuge. Car les différends existent, comme vous aller pouvoir le lire. Par exemple Christophe Honoré qui aura son prochain film à Cannes, Plaire, aimer et courir vite, divise profondément l’équipe. Même dissension autour du cinéma de Stéphane Brizé qui présente aussi son prochain film à Cannes, En guerre. Rassurez-vous des réalisateurs font aussi heureusement l’unanimité. On a vu ces dernières années des engagements solides de l’équipe ciné autour du cinéma de Michael Haneke ou plus récemment de Yorgos Lanthimos, deux bêtes noires d’une partie de la presse. Là, cette année à Cannes, Alice Rohrwacher ou encore Jia Zhang-ke, Lars Von Trier et Lee Chang-dong semblent très attendus à Transfuge. Avec, dans le collimateur, le film de Yann Gonzalez qui sera finalement en compétition, Un couteau dans le coeur, et qui à l’instar de Bertrand Mandico il y a quelques mois, n’emporte à priori pas nos suffrages.
Côté littérature, à noter le grand retour de l’écrivain hongrois Laszlo Krasznahorkai qui signe un magnifique roman, Seiobo est descendue sur terre (Cambourakis). Imre Kertesz écrivait de lui que « depuis Nietzsche, (l’oeuvre de Krasznahorkai) représente la seule consolation métaphysique possible. » Rien que cela. Transfuge avait fait découvrir aux lecteurs français cet auteur de génie avec son précédent roman, Guerre et Guerre (Cambourakis, 2013). Celui-ci déploie une pensée de l’art, découpée en dix-sept chapitres et écrite de ses phrases torrentielles et denses. Livre métaphysique, théologique, historique, documenté, on passe de manière vertigineuse de Kyoto à Florence, à Venise, en traversant l’Acropole et l’Alhambra. L’écrivain proche du bouddhisme pose des questions rares aujourd’hui, comme le rapport de la tradition à l’art.
Côté scène, on défriche. Nous accordons une large place ce mois-ci à un festival exceptionnel, Chantiers d’Europe. Transfuge, résolument européen, s’est associé à ce projet passionnant. Il s’agit d’accompagner une dizaine de jeunes compagnies européennes et accueillies à Paris parce que jugées les plus audacieuses. Elles viennent du Portugal, de l’Espagne, de l’Italie, de la Grèce et de l’Allemagne, et nous parlent de l’Europe d’aujourd’hui. Louons ces initiatives culturelles encore trop rares dans une Europe qui ne pourra se contenter de se construire uniquement sur l’économie. Ces compagnies nous donnent une vision de l’Europe bien sûr ouverte, comme par exemple cette troupe berlinoise dirigée par l’Israélienne Yael Ronen, du théâtre Gorki, dont la troupe est constituée d’acteurs permanents originaires de Syrie, d’Afghanistan et de Palestine. Leur spectacle s’intitule Winterreise. Bonne lecture!