Il y a quelque chose de résolument militant dans le titre de ce jeune festival de musique contemporaine. Et ce n’est pas Rodolphe Bruneau-Boulmier, en charge de la programmation musicale au théâtre La Scala Paris qui dira le contraire. « Oui, c’est absolument militant et citoyen ! On doit réinscrire le compositeur vivant dans la société. » Ce festival, dont c’est la deuxième édition, présente justement la particularité de proposer un programme « à 100% de compositeurs vivants – chose rarissime. »
C’est que cette programmation vient d’une interrogation profonde de Bruneau-Boulmier : « je ne comprends pas qu’on puisse ne pas s’intéresser à la musique de son temps, musique dite savante ou sérieuse. Il existe pour l’homme cultivé français un lien fort avec la littérature de son temps. Aucun doute en ce moment avec la rentrée littéraire. D’ailleurs n’importe qui dans la rue est en mesure de citer le nom d’un écrivain vivant. Alors pourquoi pas avec les compositeurs ? ». Ce questionnement est doublé d’une intime conviction : « chacun doit pouvoir trouver son compositeur ! », d’autant qu’aujourd’hui il existe « une incroyable diversité d’esthétiques musicales, une vraie vitalité dans la musique dite contemporaine. Non, tous les grands compositeurs ne sont pas morts ! ».
Alors, le temps d’un weekend, ce seront quatre concerts qui viendront faire entendre cette musique ou plutôt ces musiques, écrites par des compositeurs « de trente à soixante-dix ans » ; des concerts avec de l’inédit et des programmes sur-mesure. Car une des caractéristiques de la démarche de Bruneau-Boulmier est de remettre l’interprète au centre de la programmation. Pour cela, il «a demandé à chaque musicien quel était le contemporain qu’il avait envie de jouer et de défendre ».
Avec le premier concert, le festival s’ouvre sur des pas de valse : un programme en miroir conçu par le pianiste David Kadouch. Des oeuvres dansantes du grand répertoire, d’une valse de Chopin à Tea for two d’Art Tatum, dialogueront avec des valses commandées à de jeunes compositeurs tels Fabien Touchard ou Benoît Menut. Le deuxième concert « Barbarie » est lui axé sur l’aspect mécanique : des oeuvres de Marco Stroppa ou de Noriko Baba et de l’inouï, au sens littéral du terme avec le pianiste Wilhem Latchoumia et le quatuor Bela, quatuor à cordes dont les musiciens joueront aussi des instruments-machines comme une vielle à roue. Le troisième concert « Le Ciel étoilé » nous fera « lever la tête au ciel et questionner des choses qui nous dépassent » avec les univers poétiques des compositeurs Thierry Escaich. Martin Matalon ou Phlippe Hersant. Un quatuor d’accordéons, le Quatuor Aeolina, répondra à un quatuor à cordes, le Quatuor Girard et à la pianiste Claire-Marie Leguay.
Enfin le dernier concert incarnera un aspect essentiel de ce que vise la Scala, le passage entre les genres et les frontières. Après « Ur » de Magnus Lindberg donné par l’Ensemble l’Itinéraire, le groupe électro ODEI fera une improvisation en temps réel à partir des éléments de langage de la pièce de Lindberg. Preuve en effet que la musique contemporaine est bien vivante. Alors, en garde !