Pour paraphraser Bachelard, on dira que Louise Frydman, née en 89, est une rêveuse de matière. En l’occurrence de la céramique, à qui elle imprime des formes végétales, lui conférant la ténuité de pétales ou la présence plus robuste d’une souche ou d’un tronc. Mais, comme toutes les rêveuses, elle suit une pente irrésistible, et du végétal, elle glisse vers le géologique : cinq pièces, fixées à des cadres noirs qui font ressortir leur blancheur, sont tout en plissements, aspérités, rainures. Des Ecorces, les a-t-elle baptisées, mais à les voir, c’est l’image d’un fragment de terre labourée qui s’impose. Et ces pétales de céramique pris dans une résille métallique que fait onduler une petite soufflerie, n’ont-ils pas la délicatesse ourlée de coquillages semés sur la grève ou pris dans un filet ? Les pièces de louise Frydman réussissent ce petit miracle : se tenir, comme tremblantes, fragiles, au seuil de la forme, dans un état de douce indétermination, qui leur permet de résonner longtemps en nous, de susciter mille associations. Et même ce Tronc, qui semble tout simplement reproduire un élément de la nature, n’est-il pas, avec sa blancheur très éloignée des teintes terreuses et sombres des sous-bois, et avec son intérieur creux, aussi proche de la forêt que des arts décoratifs, évoquant un vase destiné à on ne sait quelles fleurs ? La céramique, chez Louise Frydman n’est pas une matière inerte, morte : elle a cette légèreté, cette grâce, cette capacité à se métamorphoser d’une forme à l’autre, qui est le propre des vivants.
Exposition Louise Frydman, Nature fragile, Loo & Lou Gallery, L’Atelier, jusqu’au 4 janvier