Après la présentation de la programmation du festival d’Avignon mercredi dernier, Olivier Py, dans un entretien, nous disait, « c’est pas encore perdu, mais je suis dans une position étrange, celle d’accepter une fatalité qui viendrait d’en haut.». Et bien le ciel a parlé.
Tristesse d’une utopie à laquelle nous croyions jusqu’à hier soir. Tristesse tout d’abord pour cette grande famille du théâtre européen dont nous découvrions les visages, les projets, les visions, au cours de cette conférence de presse qui demeurera, dans les moments inventés et impromptus de cette crise, l’une des choses les plus émouvantes qui a eu lieu dans le milieu culturel. Ainsi Ivo Van Hove, Jean Bellorini, Tiphaine Raffier, Hofesh Schechter, Anne Théron, Dimitris Papaioannou et tant d’autres qui se succédaient à l’image pour parler de leurs spectacles à venir, mosaïque de visages, de langues, de manières qui nous relatait l’Europe des artistes de la scène, aujourd’hui dans l’ombre, mais prête à tout instant à revenir, et à nous renvoyer à cette condition de mortel qui est la nôtre. Ainsi de la superbe affiche de Yan Pei-Ming, sombre sauvagerie à l’image des Eros et Thanatos qui formaient le thème du festival.
Tristesse aussi pour toute l’équipe d’Avignon qui a sans doute cru jusqu’au bout qu’il serait possible d’organiser cette vaste fête. Et nous savons tous, au cours de cette crise, ce que signifie être arrêté en plein vol par un memento mori.
Tristesse enfin pour le public aujourd’hui séparé de l’art vivant, pour une durée indéterminée. Que les artistes du théâtre parlé, chanté, dansé n’en doutent pas, le public ne les oublie pas. Le festival avait été annulé en 2003, le public était là, à Avignon en 2004, les pires attentats de ce siècle en France eurent lieu dans une salle de concert parisienne, le public est revenu quelques mois plus tard au concert. Le public reviendra après le virus à Avignon, n’en doutons pas, car le public, c’est vous, nous, et tout individu qui ressent la nécessité d’éprouver, avec l’autre, l’inconnu et le semblable, la puissance de l’art.