Après s’être intéressé à l’histoire d’un écrivain qui s’est caché toute sa vie derrière un pseudonyme, l’auteur et metteur en scène Frédéric Sonntag nous mène sur les traces d’un scientifique et des mondes multiples. Une plongée dans les eaux troubles du paranormal.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Je travaille souvent à partir d’enquêtes que je mène sur des personnages, comme c’était le cas pour B. Traven, des évènements, ou des mythologies de la culture populaire. C’est le cas avec ma prochaine création, qui s’intéresse aux mondes parallèles, un motif véhiculé, très usité en science-fiction. En général, je pars d’un point ancré dans le réel, à partir duquel je mène tout un travail documentaire. J’accumule tout un matériau qu’il soit littéraire, cinématographique ou même fictionnel. À partir de là, je tisse une histoire qui se nourrit de tout cela, qui se lie au réel à travers un certain nombre de personnages ou d’évènements qui ont existé. Il est vrai qu’il y a très souvent une dimension historique dans mes pièces, ce qui n’enlève rien à leur nature romanesque.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire sur les mondes parallèles ?
C’est venu d’une passion très personnelle pour ces univers multiples. Depuis de nombreuses années, je prends des notes autour de ces thématiques-là. L’idée que notre monde pourrait être composé d’une multitude de réalités qui se superposeraient, me fascine totalement. Une fois que l’on évoque ce principe, il est passionnant d’essayer de comprendre ce que cela veut dire, ce que cela pourrait impliquer, quelle certitude cela fait vaciller. On essaie d’imaginer comment plusieurs mondes pourraient coexister. Cela touche autant la science-fiction, l’imaginaire et l’onirique que des sciences pures comme la physique quantique, les particules élémentaires ou la cosmologie. C’est un champ large qu’il est captivant d’explorer, de parcourir, d’autant que pour moi, en tout cas, c’est important de comprendre comme ce motif populaire s’est développé, ce qu’il représente, ce qu’il révèle de notre réalité. Si cette mythologie existe depuis longtemps, c’est dans les années 1950-1960, au moment du boom de la science-fiction, qu’elle ressurgit et se déploie.
Est-ce un personnage de science-fiction qui est au centre de votre prochaine création ?
Je me suis inspiré notamment de la vie d’un physicien américain Hugh Everett qui dans les années soixante a formalisé la théorie des mondes multiples. Afin de résoudre un problème qu’il avait en physique des particules, il a inventé une interprétation dont la conséquence première et de rendre possible le fait que le monde que l’on habite n’est pas unique, mais qu’il peut se superposer à d’autres. En creusant l’histoire de ce savant un peu fou que personne n’a cru à l’époque, devenu mathématicien pour le Pentagone, j’ai découvert qu’il est mort à cinquante ans d’une crise cardiaque, dépressif et alcoolique. Pour supporter sa vie, il s’est replié dans un monde intérieur, se coupant des autres et de ses enfants notamment. Une matière théâtrale qui m’a toute de suite séduite. Par ailleurs, Il se trouve que son fils, Mark Oliver Everett, est en fait le leader des Eels, un groupe de rock assez connu, que j’aime beaucoup. Du coup, j’ai eu envie d’explorer ce rapport père-fils trouble, d’en faire le point de départ de ma pièce.
Comment se passe l’adaptation de votre texte à la scène ?
Contrairement à d’habitude, j’ai très peu écrit avant le travail de plateau. Je voulais commencer à travailler très en amont avec les comédiens, à partir de la matière que je viens d’évoquer. C’est une première pour moi. J’aime faire cette partie seul en général. Mais là, je trouvais intéressant de voir comment ils allaient s’emparer du matériau que j’avais accumulé, ce qu’il allait retenir et le comparer à mon propre regard. C’est ensuite que j’ai commencé l’exercice d’écriture. En raison des différentes résidences dont nous avons pu bénéficier pour cette création, nous avons pu malaxer le texte, le pétrir, le confronter à la réalité, le faire évoluer. C’est une chance qui a nourri ma créativité et celle des comédiens. Le confinement est venu l’éclairer différemment, c’est assez surprenant d’ailleurs.
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